Le caractère crisogène des pouvoirs exorbitants du chef de l’État
3 minutes luesLa récente décision du Conseil constitutionnel (CC) invalidant le report de l’élection présidentielle a été unanimement saluée. Pour beaucoup d’observateurs, elle est historique et elle met le Sénégal définitivement à l’abri des crises liées aux velléités des présidents de rester au pouvoir au-delà de leur mandat.
Même s’il faut se réjouir de cette décision, nous ne partageons pas cet optimisme. Du fait du caractère crisogène des relations de pouvoirs au sein de l’Etat, il faut s’attendre à des crises de plus en plus fréquentes et peut-être de plus en plus violentes.
L’organisation actuelle des relations de pouvoir au Sénégal, le caractère inédit de la décision du CC, le caractère structurel des crises liées aux pouvoirs du chef de l’Etat nous confortent dans cette conviction.
L’organisation des relations de pouvoir au Sénégal
La constitution du Sénégal organise les relations de pouvoirs au sein de l’Etat. Malgré la proclamation de l’indépendance des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, l’option de conférer de larges pouvoirs au PR pour assurer la stabilité et la continuité de l’Etat est constante. Ce déséquilibre dans les relations de pouvoir au sein de l’Etat au profit de son chef est cependant crisogène. Les prérogatives exorbitantes qu’il favorise ont tendance à faire de l’Etat un instrument au service de son chef. Elles permettent ainsi, au chef de l’Etat, de l’utiliser dans des crises qui lui propres, notamment pour prendre en compte ses intérêts, ses préoccupations ou même ses peurs.
Le caractère inédit de la décision du CC
Le caractère inédit de la décision du CC annulant le report de l’élection présidentielle est quasi-unanimement reconnu. Cette appréciation positive induit, à contrario, une perception majoritairement négative du CC. Ses décisions sont si souvent conformes aux vues du régime en place qu’elles revêtent un caractère exceptionnel quand elles ne s’inscrivent pas dans cette logique.
Même si nous ne remettons pas en cause les arguments juridiques qui la sous-tendent, nous considérons que la détérioration des relations entre le PR et cette institution a été déterminante.